Scène cadeau

Coucou ! 

Comment vous l'avez certainement vu, je me suis lancée en auto-édition. Wouhou !

A cette occasion, j'ai remanié le tome 1 et j'ai rajouté quelques petites scènes. 

Du coup, pour ceux et celles qui ont déjà lu et/ou acheté mon livre, et qui ne souhaitent pas acquérir cette nouvelle version, voici un petit cadeau :  
 


Gehëan

Gehëan se réveilla bien avant l’aube.

Sans bouger un muscle, il ouvrit les yeux et étudia son environnement. Si le fait qu’il ne se trouvait pas dans sa chambre n’avait rien d’extraordinaire, celui d’être allongé contre un corps chaud l’était davantage. Et pas n’importe lequel, mais celui de son épouse, une princesse ennemie qui ourdissait mille machinations machiavéliques à son encontre.

Un sourire amusé fleurit sur ses lèvres avant de se flétrir à la suite d’une soudaine réalisation.

Ils venaient de partager leur première nuit et qu’il ne s’était absolument rien passé !

Si une telle chose venait à se savoir, il deviendrait la risée de tous. Qu’importe qu’il fusse lié par contrat, personne en dehors d’Uther n’était au courant. Le guerrier imaginait déjà son entourage et les commères du palais s’en donner à cœur joie.

Gehëan se renfrogna à cette perspective. Il tenait trop à sa réputation pour permettre que cela se produise.

L’esprit en ébullition, l’elfe chercha un moyen de détourner l’attention sans éveiller la suspicion des uns et des autres. Incapable de trouver une solution à son problème, il se leva en silence. Sa luciole grommela quelque chose dans son sommeil lorsqu’il quitta le lit, mais ne se réveilla pas. Le Chahar, quant à lui, assommé par la potion que Gehëan avait glissée dans son eau la veille, ne moufta pas plus que sa maîtresse.

Le regard du seigneur de guerre se porta sur la robe de soirée que Shara avait ôtée avant de se coucher. Bien qu’élégante, elle était trop sage à son goût et n’avait pas sa place à la cour sombre.

Une idée germa dans son esprit tandis qu’un rictus sadique réapparaissait sur son visage.

Oh oui ! Il tenait là la vengeance parfaite pour l’affront que lui avait fait subir sa petite zyoa durant le bal.

S’éclipsant de la chambre à pas de loup, Gehëan s’en alla régler les préparatifs nécessaires au bon déroulement de son plan.      

 ***

Sharanna

Shara s’étira en gémissant. Sa nuit avait été reposante et elle se sentait prête à conquérir le monde. Ravie de découvrir l’absence du nocturnin à ses côtés, elle s’extirpa du lit et rejoignit Kilin, roulé en boule sur le tapis. Étonnée qu’il ne soit pas déjà levé, elle le secoua. Son ami marmonna une protestation et dévia sa main comme on chasse un moustique.

Riant doucement, la jeune femme s’écarta et se dirigea vers l’armoire. Elle l’ouvrit et demeura muette de stupeur en la trouvant vide. Elle se souvenait pourtant parfaitement d’y avoir remisé ses affaires la veille. Kilin l’avait même aidé à organiser ses tenues. Comment avaient-elles pu disparaître dans la nuit ?

Prise d’un mauvais pressentiment, la princesse pivota vers l’espace de rangement contenant sa lingerie. Vide également.

Passablement énervée, elle balaya la pièce des yeux et vit une toilette reposant sur le dos d’une chaise. Suspicieuse, Shara s’en approcha avec précaution. Du bout des doigts, elle souleva le tissu diaphane. Un pli de concentration barra son front.

Qu’est-ce que…

Oh non, il n’avait pas osé.

Si !

Ce satané nocturnin avait chapardé tous ses vêtements pour ne lui laisser qu’un bout d’étoffe transparente pour s’habiller.

— Nocturnin ! hurla-t-elle folle de rage.

Kilin s’éveilla en sursaut et leva des yeux groggy vers sa Doren.

— Qu’est-ce qu’il se passe ?

Seule une litanie de jurons lui répondit.

Le Chahar se frotta le visage et se mit sur ses pieds en titubant. Après plusieurs pas maladroits, il saisit le verre posé sur la table et le renifla avec méfiance. Ses moustaches frémirent de dégoût.

— Ton époux a drogué mon eau, déclara-t-il d’une voix plate.

Shara cessa ses imprécations et fit volte-face, interloquée.

— Quoi ?

— Il a mis un somnifère dans mon verre. C’est pour ça que je ne l’ai pas entendu partir.

L’indignation se peignit sur les traits délicats de l’elfe de lumière.

— Tout ça pour vider mes placards ?

— Et te forcer à porter la tenue qu’il t’a préparée. 

Le regard de Shara revint se poser sur le déshabillé vaporeux. La perplexité vint se mêler à la fureur.

— Par les dieux, comment suis-je censée enfiler ça ? Il n’y a pas l’air d’avoir assez de tissu pour m’envelopper la poitrine.

Kilin attrapa les pans en mousseline et les étudia un instant.

— Si tu places cette bretelle ici, que tu fais un nœud là puis que tu glisses ce truc à cet endroit, ça pourrait fonctionner, marmonna-t-il en manipulant le tissu.

— C’est complètement tordu !

— En même temps, on parle de ton nocturnin, rétorqua Kilin, pince-sans-rire.

Shara dut admettre qu’il n’avait pas tort. Gehëan Wülfreign était un elfe fourbe, mais il ignorait à qui il avait affaire. S’il voulait la guerre, il allait l’avoir. Et elle était déterminée à l’emporter.

S’emparant du si généreux présent, la jeune femme esquissa un sourire féroce.

— Tu veux bien m’aider ?

Les yeux de son complice de tous les instants étincelèrent d’espièglerie.

— Dis-moi ce que tu veux, princesse, et je m’exécuterai.

— Je vais avoir besoin du drap.       

 ***

Gehëan

Gehëan commençait à s’impatienter.

Il avait passé une bonne partie de la matinée à anticiper la réaction de Shara en découvrant la tenue qu’il lui avait préparée. Il visualisait avec précision la manière dont ses joues allaient s’empourprer de fureur, ses yeux s’emplir d’éclairs et ses lèvres s’entrouvrir pour déverser un flot d’insanités sur lui.

Le guerrier avait hâte de voir la colère faire vaciller sa froideur hautaine. Il était décidé à anéantir son masque policé et à libérer cet esprit rebelle du carcan de son éducation. Il avait bien conscience que le travail avait déjà été entamé, mais comptait achever cette tâche pour mieux la façonner selon ses désirs.

Assis en face de lui, Uther le dévisageait d’un air songeur. Il paraissait étonné de son attitude pour le moins inhabituelle, mais ne fit aucun commentaire. Il reposa sa plume lorsqu’un serviteur entra dans la pièce. Celui-ci alla lui chuchoter quelques mots à l’oreille avant de se retirer après avoir reçu l’assentiment de son roi.

Gehëan arqua un sourcil devant l’amusement manifeste de son cousin.

— Il semblerait que ton épouse se soit perdue dans les méandres du palais, commença Uther.

— Que veux-tu dire ? s’enquit le seigneur de guerre avec méfiance. N’y a-t-il donc personne pour la guider jusqu’à nous ?

— Ta princesse a préféré se rendre en cuisine plutôt que de bénéficier de notre charmante compagnie.

Gehëan bondit sur ses pieds, les dents serrées de contrariété. Il aurait pourtant dû le prévoir. Sharanna n’était pas du genre à se conformer aux règles. Il lui avait lancé un défi et elle l’avait relevé avec son ingéniosité coutumière.

— J’avais ordonné au garde posté devant sa chambre de la conduire à ton bureau, grommela-t-il.

— À moins que tu ne l’autorises à faire usage de la force, il n’a eu guère de choix que de s’adapter aux désirs de ta luciole, rétorqua Uther, narquois. Décidément, je trouve ton épouse très divertissante. Elle vient à peine d’arriver qu’elle affole déjà les domestiques.

Gehëan ferma les yeux et inspira profondément.

— Où est-elle maintenant ? demanda-t-il d’une voix grondante.

— D’après Nawell, elle et son chat ont pris la direction des jardins.

Le guerrier n’eut pas besoin d’indications supplémentaires pour s’élancer. La porte claqua derrière lui tandis qu’il fonçait dans le couloir. Il ne tarda pas à trouver l’objet de sa frustration, il n’eut qu’à suivre les murmures choqués et les gloussements moqueurs.

Gehëan stoppa net en l’apercevant au cœur d’un petit groupe de mâles en pâmoison. Elle évoluait parmi eux avec une aisance consommée, répondant à leurs sollicitations d’un sourire, d’une inclinaison gracieuse de la tête ou d’une parole aimable. L’un de ses admirateurs se décala, lui permettant enfin d’aviser l’ampleur de sa méprise.

Par Dêya !

Il croyait avoir pris le dessus dans cette manche, mais elle l’avait totalement surclassé. Loin de se sentir humiliée ou gênée par sa toilette minimaliste, sa petite zyoa se l’était appropriée et avait utilisé ses draps pour créer une toute nouvelle parure. Il aurait dû la trouver ridicule ainsi vêtue, mais ce n’était pas le cas. Elle rayonnait.

La main de l’un des elfes se posa sur son épaule nue. Le sang du seigneur de guerre ne fit qu’un tour et sa vision se voila de rouge.

— Sharanna ! tonna-t-il.

Au son de sa voix, les courtisans s’éparpillèrent comme s’ils avaient le feu aux fesses. Aucun ne souhaitait être pris par le seigneur Wülfreign en train de conter fleurette à son épouse.

— Nocturnin, répondit calmement la fautive.

— Tu te donnes en spectacle !

Elle fit un tour sur elle-même. Ce faisait, un bout d’étoffe glissa et dévoila partiellement une cuisse.

— Tu n’aimes pas ? S’enquit-elle avec innocence. Je trouve cet habit pourtant bien plus décent que celui qui a été déposé à mon intention.

Elle avait raison, mais jamais Gehëan ne l’admettrait devant elle.

— Retourne dans ta chambre !

— Pour quoi faire ? Ce n’est pas comme si je pouvais me changer. Un petit plaisantin a cru bon de débarrasser mon armoire.

— Je vais demander aux couturières de remédier à la situation, gronda Gehëan en réprimant son envie de lui tordre le cou.

— Si tu insistes. Dis-leur que je préfère les nuances de verts et d’éviter les teintes oranges et violettes, ça me donne l’air malade.

— Très bien. À présent, rentre au palais, avant que je ne me charge moi-même de t’y reconduire.

L’expression de sa luciole s’assombrit tandis qu’elle le jaugeait. Elle le savait capable de mettre sa menace à exécution. Après un dernier reniflement dédaigneux, Shara fit signe à son ombre de la suivre.

Gehëan l’observa faire demi-tour en relevant le bas de sa traîne pour ne pas marcher dessus. Son Chahar trottinait derrière elle pour vérifier que rien ne venait nuire à la pudeur de sa maîtresse.

Y’avait pas à dire, il avait réussi son coup. Nul ne s’intéresserait à son absence de performances nocturnes, trop occupés qu’ils seraient à commenter l’audace de sa petite sauvageonne.

Peut-être allait-elle-même lancer une nouvelle tendance, ricana-t-il en son for intérieur. J’ai hâte de voir la tête d’Uther lorsqu’il croisera ses courtisans empêtrés dans leurs draps, persuadés d’être à la pointe de la mode. 

 

 

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